C’est l’hiver et vous avez envie d’un week-end à la mer ? Mettez le cap sur Ostende ! Il y a plein de choses à faire dans cette ville à la mer, même quand le temps est incertain ou carrément glacial. L’un de mes endroits préférés pour me mettre au chaud, tout en découvrant la ville côté art ? Le MuZEE d’Ostende et particulièrement l’aile consacrée à Ensor et à Spilliaert, les deux maîtres de la peinture ostendaise. Voici cinq bonnes raisons de rendre visite à ces deux artistes inclassables, dans leur maison commune.
Au MuZEE d’Ostende, on découvre des documents et des objets inédits ou inattendus. Une photo de Spilliaert jouant avec sa fille sur la plage. Une autre mettant en scène un petit groupe, parmi lequel Ensor et Einstein. C’était en 1933…
Parce que, pour l’instant, il n’y a pas d’autre endroit que le MuZEE d’Ostende pour faire connaissance avec le baron Ensor, ce drôle de « prince des peintres ».
Jusqu’à début novembre, il y avait la Maison Ensor, où l’artiste a passé une bonne partie de sa vie (photo à gauche).
Mais elle a fermé ses portes, le temps de construire le centre interactif qui la prolongera.Si tout va bien, ce nouveau musée interactif ouvrira à l’été 2019 et j’espère qu’il gardera l’atmosphère si particulière de la Maison.
Notamment avec le magasin de souvenirs au rez-de-chaussée, resté dans son jus (photo à droite). Mais d’ici là, le MuZEE d’Ostende est bien le seul lieu où découvrir ce maître de l’art moderne belge.
Léon Spilliaert a pour sa part une autre « maison » à Ostende. C’est la « Spilliaert Huis », un espace d’art privé, dans la rotonde des Galeries vénitiennes, sur la digue. Ses expos complètent joliment les oeuvres présentées au MuZEE d’Ostende. Mais c’est bien lui qui présente la plus grande collection de Spilliaert au monde !
Deux Ostendais pur jus
Parce que visiter l’aile Ensor et Spilliaert au MuZEE, c’est un peu comme aller voir deux vieux amis ostendais pur jus. Tous deux vous accueillent d’ailleurs, juste en face de l’entrée de « leur » aile. On les découvre sur d’immenses photos, debout sur le balcon de l’ancien casino surplombant la plage.
Tous les deux sont nés dans la cité balnéaire, Ensor y est même décédé. Tous les deux sont filsde commerçants. La mère d’Ensor tenait un incroyable magasin de souvenirs, au rez-de-chaussée de la Maison Ensor. Coquillages, masques de carnaval, poissons empaillés et incroyable fouillis étaient toujours là en octobre dernier et j’espère bien les retrouver à la réouverture de la Maison. Quant au père de Léon Spilliaert, il était parfumeur et livrait notamment le roi. Une jolie bouteille de parfum, présentée en début d’expo, au MuZEE d’Ostende, le rappelle.
L’un comme l’autre aiment leur ville et la mer du Nord, si présente et si familière. Fasciné par la lumière de la station balnéaire, Ensor a peint de fabuleuses marines.
J’aime particulièrement cette Grande Marine pour ses couleurs nacrées et son petit côté impressionniste, même si le peintre refusait avec force tout lien avec ce mouvement.
Mais, parmi les premières oeuvres d’Ensor, le MuZEE d’Ostende présente aussi ce Couple de pêcheurs, preuve de son attachement au petit monde de la pêche et à sa ville à la mer.
Quant à Léon Spilliaert, il a passé ses nuits ou presque à errer la nuit dans la cité balnéaire et notamment le long de la plage. L’homme souffrait de terribles maux d’estomac qu’il essayait d’oublier lors de ses flâneries nocturnes.
Mais il avait sans doute aussi un vrai goût pour la solitude, la tristesse voire même le désespoir. Cet artiste complexe n’a presque jamais quitté Ostende, même s’il est mort à Bruxelles. Plage, digue, mer, vent sont donc des thèmes très présents dans son oeuvre et j’aime beaucoup La Rafale, présentée au MuZEE d’Ostende.
Spilliaert n’a jamais réalisé d’huile, préférant encre, aquarelle, crayons de couleur ou fusain qu’il utilise sur papier ou sur carton. Cela donne des couleurs très douces, presque délavées, comme dans Le Phare d’Ostende au lever de soleil, un petit chef d’oeuvre, également exposé ici.
ll y a une troisième oeuvre de Spilliaert que j’aime particulièrement, ici au MuZEE d’Ostende. C’est Vertigo (1908), cette sorte d’escalier magique aux marches trop haute pour la silhouette qui s’y est risquée. Cette pyramide à étages qui donne le vertige est-elle posée sur la plage ? Sans doute, vu le vent qui s’engouffre dans la chevelure de la créature.
En tout cas, c’est bien sur la plage d’Ostende qu’on retrouve une réplique de Vertigo sous forme d’oeuvre monumentale. Le vent y emmêle souvent les cheveux et partir à sa recherche, sur les kilomètres de plage d’Ostende, est un bon but de promenade !
Deux fous d’autoportraits au MuZEE d’Ostende
Parce qu’Ensor comme Spilliaert adorent les autoportraits et qu’ils ont beaucoup pratiqué le genre. Au MuZEE d’Ostende, on trouve ainsi l’Autoportrait au chapeau fleuri d’Ensor, considéré comme un chef-d’oeuvre… même si perso je ne l’aime pas trop. On dit que le tableau était achevé quand, quelques années après, il a ajouté un chapeau fleuri et des boucles à sa moustache… Auto-dérision très belge…
Et que dire de l’autoportrait du singulier Spilliaert, également présenté au MuZEE d’Ostende ? Avec son effrayante tête toute en longueur, il me fait penser à Nosferatu… Quelle mélancolie ! Quel mystère ! Quel art du clair-obscur, quel talent pour jouer sur les ombres !
J’ignore pourquoi mais cette expression picturale me touche, me ramenant sans doute à mes propres zones d’ombre et à mes angoisses.
Ensor, tel qu’en lui-même
Parce qu’on y retrouve le James Ensor tel qu’on le connaît, artiste qui souffre d’un manque de reconnaissance et bascule dans le grotesque, le sarcastique, le grimaçant. Il puise à la source du carnaval et jette sur ses toiles masques, squelettes, personnages fantasques et figures macabres. C’est déstabilisant, provocant, déjà surréaliste. Mais jamais dénué d’humour, comme lorsqu’il se représente en squelette ou en Christ.
Difficile à voir mais Ensor a en effet donné ses traits au Christ de L’Entrée du Christ à Bruxelles. Certes, ici au MuZEE à Ostende, ce n’est pas l’original. Celui-ci se trouve au musée Paul Getty à Los Angeles. Mais cette version tapisserie, créée à partir d’un carton fait par l’artiste lui-même, impressionne par ses dimensions et ses couleurs très vives. Aussi par le gigantesque pied de nez ainsi fait, notamment à la bourgeoisie conservatrice. Qu’Ensor vomit alors même qu’il a été anobli, devenant baron. Plein de contradictions, je vous dis. Et fier de son propre chemin artistique aussi, en-dehors des courants et des styles.
Ensor compositeur
Enfin parce qu’on découvre aussi des documents et des objets inédits ou inattendus. Une photo de Spilliaert, jouant avec sa fille sur la plage. Une autre mettant en scène un petit groupe, parmi lequel Ensor et Einstein (le premier est tout à droite sur la photo, le second tout à gauche), en 1933. Des films signés Henri Storck, un cinéaste qui, à la fin des années 20, promène sa caméra à Ostende. Et aussi les décors et costumes de Gamme d’Amour, un ballet signé Ensor, dont on peut écouter la musique dans des casques prévus à cet effet. Eh oui, c’est l’une des surprises cachées dans cette aile du MuZEE d’Ostende. Ensor consacre les dernières années de sa vie à la musique et pas à la peinture, penché sur son harmonium. Vraiment très complexe, ce baron…
En pratique
MuZEE, 11 Romestraat, Ostende.
Tél. 00 32 59 50 81 18.
Ouvert du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h.
Entrée : 9/7,50 €n 1 € pour les moins de 26 ans, gratuit pour les moins de 12 ans.
www.muzee.be
Mais aussi
Exposition « Le rêve des autres, Léon Spilliaert, illustrateur de Verhaeren, Maeterlinck, Hellens » (jusqu’au 2 avril 2018).
Rotonde ouest, Thermae Palace, Koning Astridlaan 7, Ostende.
Ouvert le samedi de 10 h à 18 h et le dimanche de 11 h à 18 h, et pendant les vacances scolaires tous les jours. 5 € adultes, 4 € étudiants, 1 € -18 ans, gratuit -12 ans.
www.hetspilliaerthuis.be
3 Commentaire(s)
Un musée à voir tant il est à l’image de la ville et de ses peintres célèbres. Pour moi la preuve qu’Ostende, quoi qu’on vienne y faire, est une ville inspirante.
Merci Anne de cet article passionnant sur le MuZee. cela me donne envie d’y retourner encore et encore
Oui, j’aime beaucoup ce mélange entre l’esprit d’une ville, d’un port et l’ambiance d’une station. Merci Agnès de ta fidélité !
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