Qui ne connaît pas Fernando Botero ? Impossible de passer à côté de cet artiste colombien, qui fait partie de l’inconscient collectif depuis des décennies, alors même qu’il est toujours vivant… Oui, bien sûr, il y a ses plantureuses dames, souvent dévêtues et toujours décomplexées. Mais ce serait drôlement réducteur de ne s’arrêter qu’à elles. Car Botero, c’est tout un monde, foisonnant et complexe, que le BAM de Mons invite à découvrir, des premières œuvres aux toiles récentes. Sept bonnes raisons d’aller « Au-delà des formes » en quelque sorte…
Toute cette série de portraits, vraiment réjouissante, est une manière pour Botero de dire que l’art appartient à tout le monde. Ils sont à vous, à moi… et j’adore cette idée.
1. Parce que c’est la première rétrospective Botero en Belgique
Artiste très connu, icône de l’Art moderne, Botero est paradoxalement assez peu exposé. C’est donc une chance de pouvoir le découvrir, aux Beaux-Arts de Mons, un musée que j’adore, moderne, lumineux, avec une jolie vue offerte à travers de grandes baies vitrées.
Pour cette première rétrospective, le BAM fait fort, en présentant 130 œuvres, empruntées aussi bien à de prestigieux musées qu’à de très nombreuses collections privées.
Beaucoup de toiles mais aussi des dessins et des sculptures, qui ajoutent une troisième dimension aux opulentes dames de Botero…
Au final, une super expo, riche, foisonnante, étonnante et joyeuse !
2. Parce qu’on découvre ses premières œuvres,
notamment des natures mortes
Auriez-vous reconnu un Botero dans ce Garçon et Coq de 1956 ? Sans doute pas !
Pourtant, quelques années auparavant, en 1949, Botero expérimentait déjà une certaine « exhaltation des volumes » avec cette Femme pleurant. Même si on est encore loin des plantureux personnages qui feront sa marque de fabrique.
Dès ses débuts, il peint aussi des natures mortes. Comme cette Nature morte à la Mandoline, réalisée en 1956, qui permet de comprendre les formes, les échelles et les couleurs.
Ou cette très chouette (enfin je trouve) Nature morte à l’eau bouillante de 1966. Toujours des grands formats, à l’inverse de ces natures mortes petits formats de la peinture européenne.
Grand format aussi pour cette nature morte traitée en sculpture monumentale, qui fait partie des surprises réservées par l’expo. En tout cas pour moi…
Le côté statique et inanimé des natures mortes, l’artiste colombien l’applique également à ses personnages, dont les visages n’expriment rien ou pas grand-chose. Pas de sourire, pas de joie, pas d’inquiétude, pas de colère… Un monde sans émotions en quelque sorte.
3. Parce qu’on y découvre Botero tel qu’on l’espérait…
Si je vous dis Botero, c’est forcément à elles que vous pensez. Ces dames aux formes (très) généreuses et aux popotins bien rebondis…
Mais pourquoi des personnages aussi monumentaux ? La réponse de l’artiste est simple : « Je grossis mes personnages pour leur donner leur sensualité ». Ou encore « Déformer, pour moi, c’est affirmer la sensualité totale de la forme (…) Mes tableaux sont achevés lorsqu’ils atteignent cet état comestible dans lequel les choses deviennent des fruits ».
De là à dire que les dames de Botero sont belles à croquer ?
Mais ce principe de déformation n’est pas appliqué qu’aux personnages, loin de là…
Botero l’applique aussi aux objets, mettant le travail sur la forme au centre de son œuvre. Figures démesurées ou à l’inverse minuscules, comme le tout petit clown ci-dessous, pour mieux contribuer à la monumentalité d’une composition.
4. Pour la jubilatoire série d’hommages à d’autres peintres
Voilà à coup sûr la partie de l’expo que je préfère ! Cette série de tableaux « d’après » ou « en hommage » à divers grands artistes du passé, comme une plongée dans l’histoire de l’art. Parmi eux, L’Hommage à Chardin (contenant un extrait d’une reproduction de Chardin !), La Naine Maria Barbola, d’après Velazquez ou La Duchesse d’Albe, d’après Goya.
Bien sûr, pas question pour Botero de faire de vulgaires copies. Il réalise des versions personnelles, des interprétations libres d’un thème, à partir de certains éléments déjà présents dans les œuvres d’origine.
En réinterprétant ainsi à sa sauce quelques chefs d’œuvre, Botero désacralise, et comment, les grands artistes du passé. Je trouve même qu’il a un certain culot, quand il peint sa Chambre à Medellin, d’après Van Gogh… Perso, je n’aurais pas osé m’attribuer (si j’étais capable de peindre…) une toile aussi icônique. La preuve qu’il y a bien du sacré là-dedans !
Mais ce que je préfère, en grande amoureuse de la peinture transalpine que je suis, ce sont les hommages aux artistes italiens. L’expo présente ainsi La Fornarina d’après Raphaël ou le double Portrait des ducs d’Urbino d’après Piero della Francesca. Ah, comme je l’ai regardé, aux Offices de Florence, ce double portrait, lors de ma demi-douzaine (au moins) de visites dans ce fabuleux musée ! Sans compter que j’ai aussi découvert Urbino, dans les Marches, superbe et trop méconnue région d’Italie…
Toute cette série de portraits, vraiment jouissifs, est une manière pour Botero de dire que l’art appartient à tout le monde. Les chefs d’œuvre font partie d’un patrimoine culturel universel, ils sont à vous, à moi… et j’adore cette idée. Qui est l’exact contraire de cet « entre soi » qu’on observe trop souvent dans le petit monde de la culture. Et qui commence souvent par des présentations (et aussi des dossiers de presse, j’en ai reçu des tonnes de ce style) auxquelles on ne comprend (presque) rien, les auteurs écrivant pour étaler leur savoir et non pour éclairer le public…
5. Pour le brin d’ironie et l’irrévérence de certaines œuvres
Le regard bienveillant qu’il porte sur le monde n’empêche en rien Botero de faire preuve d’un soupçon d’ironie et, ça aussi, c’est follement réjouissant !
Même si le but était avant tout ici de jouer avec les couleurs, ne fallait-il pas oser faire flotter le pape (ou un évêque ?) dans une baignoire, dans ce tableau intitulé La salle de bain du Vatican ?
Et que penser de ce nonce, immense à côté du petit bonhomme qui l’abrite sous une ombrelle ? N’y a-t-il pas un brin d’ironie sur la place ou l’importance supposée de chacun ?
Mais pour moi, le sommet en la matière est cette œuvre intitulée Les Évêques morts, dans laquelle le « tas » d’évêques est traité comme… une nature morte ! Toutes ces têtes ne sont que des formes colorées, un peu comme des pommes dans d’autres tableaux. C’est grotesque, irrévérencieux et plutôt culotté dans une Colombie où la religion est très présente…
6. Parce que l’expo prouve combien Botero est accessible
Par ses tableaux « à la manière de », Botero nous dit que l’art appartient à tout le monde. Mais que serait cette louable affirmation si lui-même n’offrait pas un art qui parle à tous ? L’expo « Au-delà des formes » du BAM est donc une jolie preuve que l’artiste colombien n’a jamais cessé de cultiver un langage universel et accessible. En ne faisant, tout au long de sa vie, que du figuratif. En magnifiant des sujets populaires et en accordant à tous les mêmes grands « portraits officiels », qu’ils soient Président et Première dame, pauvre veuve ou prostituées.
Accessible, d’accord, mais pas simpliste pour autant. L’expo du BAM propose justement d’aller « Au-delà des formes » pour comprendre ce qui se cache derrière ces formes rondes et souvent joyeuses. Et chercher notamment (en début de parcours) les différentes sources d’inspiration de l’artiste colombien, entre muralistes mexicains, art précolombien, Renaissance italienne et art populaire.
Ce qui donne également complexité et épaisseur à l’œuvre de Botero, ce sont ces sujets croqués par un artiste témoin de son époque. Même s’il n’a cessé de dénoncer crimes, violences et souffrances (et il y a de quoi faire dans les dictatures sud-américaines !), Botero n’a pas pour ambition de changer la société. Il veut juste témoigner, puisque « l’art peut offrir un témoignage qui perdure dans le temps ». C’est ainsi qu’il réalise 60 œuvres sur les tortures infligées par l’armée américaine aux détenus irakiens de la prison d’Abu Ghraib. Sans haine mais pas sans mémoire.
7. Parce que l’expo permet de découvrir quelques œuvres méconnues du BAM
Ces œuvres méconnues, extraites des collections du BAM, ne sont bien sûr pas des Botero ! Il s’agit de tableaux ou de sculptures, qui répondent en écho à ceux de l’artiste colombien parce qu’ils traitent des mêmes thèmes.
Ainsi, face à l’Ecce Homo de Botero, son pendant du XVe, avec couronne d’épines, larmes et sang, à côté d’une petite sculpture, mains liées, tous deux issus des collections montoises. Ce jeu de miroir se répète tout au long de l’expo, d’un côté Botero, de l’autre artistes sortis des réservers du BAM de Mons.
L’exposition Botero en pratique
Expo visible jusqu’au 30 janvier 2022, au BAM de Mons, rue Neuve 8, 7000 Mons, Belgique
Ouvert du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h (sauf le 3 décembre, le 25 décembre et le 1er janvier)
Entrée 9 € tarif plein et 6 € réduit (2 € pour les enfants)
Entrée gratuite les dimanches 7 novembre, 5 décembre et 2 janvier
Une jauge s’appliquant, il faut réserver et acheter son billet sur www.visitmons.be (dans l’onglet Réserver, tout en haut du site, puis dans Billetterie Exposition et Fernando Botero) ou par téléphone au 00 32 65 33 55 80
Port du masque obligatoire.
On peut également admirer une œuvre de Botero, hors les murs du BAM, à l’intersection de la Grand Place et de la rue de la Coupe.
La prochaine grande expo du BAM sera consacrée à Joan Miró, à partir du 8 octobre 2022. Notez-le déjà sur votre agenda !
J’ai été invitée par Wallonie Belgique Tourisme, merci à eux !
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