Le nouveau Rozó et son voyage culinaire subtil et singulier

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il était attendu ! Cinq mois après son ouverture plusieurs fois repoussée et quelques semaines après une réservation en ligne, je me suis enfin mise à table au Rozó, en compagnie de trois amis aussi épicuriens que curieux. Au programme de cette soirée à Marcq-en-Barœul : le parcours gastronomique imaginé par Diego Delbecq et Camille Pailleau, créatif, subtil, un brin expérimental et vraiment réjouissant…

Très peu amatrice de maquereau, j’ai fait ma difficile, demandant une entrée différente… si possible. Si le garçon a laissé planer un doute, mon souhait a été pris en compte et de quelle manière ! J’ai eu droit au plat signature du chef, une assiette autour du champignon.

Le voilà donc, ce Rozó tant attendu, niché dans une ancienne imprimerie de Marcq-en-Barœul, à deux pas du canal de Roubaix. Immense hauteur sous plafond, caractère industriel conservé mais allégé, luminaires ultra contemporains, parquet couleur miel, tables très très espacées… On imagine aisément les travaux titanesques qu’il a fallu réaliser pour arriver à ce résultat, à la fois sobre et cossu. 

Au Rozó, comme au spectacle

Dans le fond de la salle, l’immense cuisine, à peine dissimulée par un paravent de verre. Là, une petite table pour deux se cache derrière la cloison, au niveau de l’imposant passe-plat, qu’on devine à peine sur cette photo. 

Un poste d’observation idéal pour qui ne veut pas manquer une miette du spectacle qui se joue sous l’œil attentif de Diego Delbecq, chef du Rozó.

Avant de prendre place dans l’un des larges fauteuils tendant leurs bras havane, on est invité à emprunter le grand escalier blanc qui mène à la mezzanine. 

Une idée plutôt astucieuse !

C’est là que l’apéro est servi, avec les premières mises en bouche d’un menu (Caractères pour nous) aux airs de voyage gastronomique étonnant et merveilleux. 

Et même un brin dépaysant grâce à la serre intérieure, qui prolonge l’espace bar. Pour l’instant, la végétation est encore modeste mais, avec le temps, elle devrait se faire plus exubérante. 

Plutôt futée cette idée de « parcours » entre les étages ! Pour le client, c’est l’occasion de se poser dans deux lieux différents du vaste bâtiment. Tandis que pour le Rozó, c’est la possibilité de veiller à une bonne rotation des clients à table. Mais aussi l’assurance de servir (presque) à tous les coups cocktails et autres apéros… D’autant qu’il s’agit d’accompagner les trois premières mises en bouche. 

Ce soir-là, il s’agissait d’un pain soufflé, mimolette et condiment livèche. Craquante à l’extérieur et coulante à l’intérieur, elle a été ma toute première marche vers le paradis (encore merci à Agnès, qui n’aime pas la mimolette, de m’avoir donné la sienne…).

Ont suivi une délicate tartelette, anguille au vert et citron confit. Puis une bouchée de chinchard, surmonté de daïkon (une sorte de grand radis blanc) et de sésame. Le chinchard, poisson souvent comparé au maquereau et plutôt méconnu, est adoré des Japonais. Comme un premier clin d’œil à l’Asie, dans ce grand voyage des saveurs…

Une huître ? Non merci !

Pour accompagner le tout, j’ai opté pour un Spicy Bissap, un cocktail sans alcool composé de Ginger Ale, jus de rhubarbe, sirop de fleur d’hibiscus et citron vert. « Acidulé, épicé et gourmand » indiquait la carte, pour mettre l’eau à la bouche.

C’est à table qu’a été servie une quatrième et dernière mise en bouche. Dans la jolie vaisselle, dessinée par la céramiste lilloise Séverine Jacob, veau, huître et kimchi, ce chou  fermenté (très) épicé, ingrédient phare de la cuisine coréenne. Et toc, un deuxième clin d’œil à la cuisine asiatique…

Deux de mes amis et moi étant allergiques à l’huître, le chef nous a servi un mariage veau/kimchi, juste surmonté de son écume. Merci à lui… même s’il doit bien se douter, qu’en imposant un menu unique à tous, il s’expose à des demandes de ce genre. 

Le plat signature du Rozó

Était ensuite annoncée une entrée « maquereau, betterave, roquette », mettant en avant un poisson emblématique pêché dans la région. Et parfaitement dans la ligne de Diego Delbecq, qui s’efforce de valoriser au maximum les produits locaux, régionaux et français. Pour une traçabilité et une fraîcheur au top. 

Très peu amatrice de maquereau, j’ai à nouveau fait ma difficile, demandant une entrée différente… si possible. Si le garçon a laissé planer un doute, mon souhait a été pris en compte et de quelle manière ! J’ai en effet eu droit au plat signature du chef, une assiette autour du champignon. Cru, cuit, en pickles, avec un condiment de cresson et un crumble de charbon végétal, le tout sur une mousse crémeuse de champignon. Mais quelle déclinaison fabuleuse ! Ce plat restera mon meilleur souvenir gustatif de la soirée.

Produits d’ici, goût d’ailleurs

A suivi, en plat, un tempura de joue de lotte. Servi à côté d’une lotte cuite vapeur et snackée au barbecue, accompagnée d’un riz koshihikari, chou rave, sauce piment vert et basilic. Aussi explosif qu’un volcan au Japon, où le riz koshihikari est un roi incontesté. 

Deuxième et dernier plat du menu Caractères, une (juteuse) poulette de Culoiseau farcie sous la peau, accompagnée d’une sauce viande au vin jaune. La délicieuse bestiole venue tout droit du Perche était escortée de cèpes cuisinés de diverses manières. Et surmontés de salades amères, de crumble de pain, de cresson et de feuilles d’oxalis pour une petite saveur citronnée. 

Camille Pailleau, la pâtissière qui limite le sucre

Pour mettre un point d’orgue à ce somptueux repas, place au talent de Camille Pailleau, pâtissière en chef du Rozó. Le plus grand plaisir de la demoiselle ? Imaginer des desserts très gourmands mais très peu sucrés. La Pavlova aux coings servie ce soir-là en était un parfait exemple, associant pamplemousse, poivre timut… et huile d’olive dans sa sauce. Fallait oser !

Quant aux mignardises au chocolat, elles étaient agrémentées d’une pointe de fleur de sel.

Côté vins, la carte se veut « variée, accessible et ouverte sur toutes les régions », avec des étiquettes de domaines bio ou travaillant en agriculture raisonnée. Et comme tous les goûts sont dans la nature, nous avons chacun accompagné notre repas de vins au verre différents mais sachant rester sages.

La première étoile du Rozó en 2023 ?

Et maintenant ? Ouvert en mai dernier à Marcq-en-Barœul, le Rozó n’a évidemment pas pu prétendre à une étoile dans l’édition 2022 du guide Michelin. Même si l’établissement arborait la distinction, obtenue en 2019, au moment de sa fermeture dans le Vieux-Lille.

La retrouvera-t-il en 2023 ? Sans être devin, on peut toutefois affirmer que le contraire serait étonnant. Voire incompréhensible, tant ces « plats singuliers », mélange de textures, de goûts et de saveurs, sont décoiffants et divins. On croise donc les doigts… 

Le Rozó en pratique

34 rue Raymond Derain, 59700 Marcq-en-Barœul.

03 62 27 72 52.

Le midi, du mardi au vendredi, menus Parenthèses à 39 € et Nuances à 67 €.

Le soir, menus Caractères 89 € (+ 42 € en accord mets et boissons) et Impressions 109 € (+ 62 € en accord mets et boissons).

restaurant-rozo.fr

Nous avons payé nous-mêmes nos repas. 

À découvrir aussi Au restaurant Pureté à Lille, aller simple pour le paradis