Voici la suite de mes aventures en Pologne, au bord de la Baltique. Plus au nord que la superbe Gdansk, plus au nord aussi que la balnéaire Sopot, voici Gdynia, ancien village de pêcheurs devenu ville portuaire en 1923. Même si elle n’est pas follement jolie, Gdynia la moderniste a tout de même quelques pépites à offrir au visiteur. Les mosaïques de sa gare, une superbe table cachée dans un improbable immeuble et surtout son musée de l’émigration. Petite-fille d’émigrés polonais, j’ai été particulièrement sensible à ce lieu. Séquence émotion…
Sans avoir été déracinée moi-même, je ressens profondément les émotions de ceux et celles qui ont tout laissé derrière eux. Leur pays, leurs souvenirs, leurs racines, l’arbre de leur jardin et le ciel au-dessus de la maison voisine…
Quand l’office du tourisme polonais m’a invitée à ce voyage de presse, j’ai été ravie de pouvoir, enfin, découvrir la belle Gdansk, dont je vous reparlerai prochainement.
Mais j’ai aussi été très heureuse de visiter le nouveau musée de l’émigration à Gdynia, l’une des trois cités de la Baltique.
Car l’émigration polonaise, c’est un peu mon histoire. Pas celle que j’ai vécue personnellement mais celle de mes grands-parents paternels. Celle de Jan Tomczak, mon grand-père, né en 1902 et arrivé, en 1921, dans le Pas-de-Calais. Sa famille venait de la Ruhr, où elle s’était fixée un temps, (bien) après le partage de la Pologne et son occupation (notamment) par la Prusse. Tout cela mériterait un post entier mais ce n’est pas le sujet…
Ma grand-mère Stanislawa Piotrowska, née en 1912, est quant à elle arrivée de Pologne, en 1921, avec sa famille également. Le marasme économique qui y règnait après la Première Guerre mondiale les a conduits sur le difficile chemin de l’exode…
Voici leur photo de mariage à Harnes, en 1929 je crois, l’un des souvenirs familiaux auxquels je tiens beaucoup et qui trône au mur de mon salon. Pour me rappeler jour après jour d’où je viens, qui je suis et ma fierté de porter ce nom. Même si j’ai dû l’épeler un milliard de fois dans ma vie.
Tout cela pour vous dire que sans avoir été déracinée moi-même, je ressens profondément les émotions de ceux et celles qui ont tout laissé derrière eux. Leur pays, leurs souvenirs, leur chez eux, leurs racines, l’arbre de leur jardin et le ciel au-dessus de la maison voisine. Ont-ils réussi à parler de tout cela à leurs enfants ? À leurs petits-enfants ? Pas sûr. Car raconter d’où on vient n’est pas si simple. Et même dans les familles où on parle, on tait souvent l’essentiel.
Ces histoires de départ, ces histoires de passage, d’est en ouest, racontées au musée de l’émigration de Gdynia sont donc précieuses. À condition toutefois de comprendre le polonais ou l’anglais…
Installé dans l’ancienne gare maritime, avec vue imprenable sur la Baltique, le musée de l’émigration de Gdynia évoque avant tout les départs en transatlantique pour l’Amérique.
Mais il consacre aussi une salle à l’émigration vers d’autres destinations, que ce soit en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne, en Suisse ou en Belgique…
On y évoque aussi brièvement l’émigration vers la France et là, surprise, deux photos prises dans le Nord/Pas-de-Calais. L’une, sous-titrée « Un accueil de l’industrie française », montre un défilé de sociétés folkloriques polonaises à Montigny.
L’autre met en scène des « gueules noires », la mine ayant absorbé toute la main d’œuvre polonaise arrivée dans la région. Des démarcheurs français étaient venus, notamment dans la Ruhr, engager les Polonais pour travailler en France. La famille Tomczak en faisait partie…
Des émigrés, il y en a eu bien avant l’Entre Deux Guerres et dans toutes les catégories sociales. Le musée de l’émigration de Gdynia fait un petit tour d’horizon des plus connus, partis au 18ème siècle (il y a eu trois partages de la Pologne en moins d’un siècle !) ou au début du 19ème.
Mon personnage favori, celui qui incarne mieux que personne l’attachement et l’arrachement à son pays ? Frédéric Chopin, le compositeur et pianiste romantique, qui a émigré en France et y est mort à Paris. Son corps repose au cimetière du Père-Lachaise mais son cœur est retourné à Varsovie. Tout un symbole…
Mais, bien sûr, c’est avant tout les départs en bateau que raconte le musée de l’émigration de Gdynia. Il y a le ticket qu’on achète pour un aller sans retour mais avec l’espoir fou d’une vie meilleure.
Il y a la vie à bord, dans des conditions difficiles pour certains, avant l’arrivée de l’autre côté de l’Atlantique.
Il y a aussi ces symboles, comme ce train vert vers Chicago, qui raconte la nouvelle vie des Polonais en Amérique. La plupart s’installaient en effet à Chicago, où ils travaillaient souvent dans des charcuteries. Chicago est d’ailleurs devenue la deuxième ville polonaise au monde après Varsovie !
Alors oui, c’est vrai, tous les panneaux, toutes les explications sont en polonais et en anglais. Nous avons eu la chance d’avoir un guide mais ceux qui ne parlent aucune des deux langues seront bien démunis.
N’empêche, même sans comprendre les courts textes, on peut apprécier les collections du musée de l’émigration de Gdynia. Entre objets du quotidien, photos, maquettes, plans, affiches et souvenirs des compagnies maritimes, c’est tout un monde qui revit ici, comme un pont entre est et ouest, entre sécurité et angoisse, entre pauvreté et espoir…
Des histoires universelles et pourtant uniques. Des histoires profondément humaines.
Gdynia côté table
Vous pouvez manger sur place, au musée de l’émigration de Gdynia, où il y a un resto au deuxième étage et un café au rez-de-chaussée. Je n’ai testé ni l’un ni l’autre.
Et le restaurant Sztuczka
Mais j’ai une autre adresse, testée celle-ci et surtout méga approuvée ! C’est Sztuczka, un restaurant situé dans un improbable immeuble des années 50, dans un quartier encore plus improbable. Mais quelle adresse ! Le chef y propose des recettes polonaises traditionnelles mais sacrément revisitées et modernisées. Et c’est aussi succulent que beau…
Voilà ce que cela donne en photos…
Pour plus d’infos ou juste pour regarder d’autres photos, rendez-vous sur
facebook.com/restauracjasztuczka
Le musée de l’émigration de Gdynia en pratique
Muzeum Emigracji, ul. Polska 1, Gdynia.
Ouvert le mardi, de 12 h à 20 h, et du mercredi au dimanche, de 10 h à 18 h. Fermé le lundi.
Entrée adultes 10 zlotys, famille (six personnes maximum) 25 zlotys.
Adapté aux personnes à mobilité réduite (ascenseur notamment).
www.polska1.pl (en anglais)
www.facebook.com/mondodivinegre (en polonais mais beaucoup de photos)
www.pomorskie-prestige.eu (en anglais)
J’ai été invitée par l’Office polonais du tourisme, l’Institut polonais et la compagnie aérienne nationale polonaise LOT.
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6 Commentaire(s)
Chère Anne,
Magnifique analyse de la psychologie de l’émigration polonaise!
Je ne connaissais pas cet aspect et surtout l’ampleur de l’émigration polonaise, qui marque encore tellement aujourd’hui le Nord et le Pas-de-Calais.
Des articles variés, très intéressants, une plume magnifique, bravo à Plus au nord pour ce bon temps et ces moments de voyage qu’on croirait avoir vécus. À consommer sans modération !
Merci beaucoup Véronique ! Bonnes lectures et bon voyage… par procuration
Tes articles sur la Pologne font envie !
La Pologne, encore une destination qu’on pourrait faire ensemble en court séjour !