Voilà un moment que j’avais envie de vous parler du MusVerre, ce musée exceptionnel, malheureusement un peu perdu au fin fond de la campagne. Paré de la magnifique pierre bleue du Hainaut, c’est l’un des plus importants musées européens pour la création en verre contemporaine. Il vaut donc largement la visite, jumelée pourquoi pas avec une petite rando. Jusqu’au 21 août, il présente une riche expo sur le thème du Cabinet de Curiosités. Une occasion en or de le découvrir…
Depuis qu’il a gagné la seconde saison de l’émission Blown Away sur Netflix, c’est une star, en plus d’être un verrier accompli ! Passé par le MusVerre, le Britannique Elliot Walker a laissé derrière lui « Aftermath Victuals » une pièce réalisée spécialement pour le musée.
Puisque c’est dans l’actu du moment, commençons par la visite de ce Cabinet de Curiosités et par un premier conseil. Si vous pensez qu’un cabinet de curiosités est une collection vieillotte et poussiéreuse, préparez-vous à changer d’opinion !
Bien sûr, le concept est hérité des siècles passés et de ces cabinets de curiosités regroupant des objets ethnologiques, rapportés de lointains voyages. Bien sûr, l’expo explore diverses facettes du vivant (le monde microscopique, sous l’océan, herbier de verre, insectes…), thème de prédilection de beaucoup de collectionneurs. Mais à part ça, quelle modernité ! On est bien là dans la création contemporaine et chacun des artistes a su réinterpréter le sujet avec créativité et imagination.
Petite sélection d’œuvres que j’ai particulièrement aimées…
Dans la section Herbier secret
Brins de folie au creux d’un arbre (2016), Julie Gonce
Ancien souffleur à la célèbre cristallerie Saint-Louis, la Française Julie Gonce s’inspire de la nature pour réaliser ses sculptures, caractérisées par une accumulation de petits éléments créés au chalumeau. Ici, ce sont de multiples brins bleus, qui émergent d’un tronc brut et jettent sur l’œuvre leur belle lumière d’un bleu intense.
Dans la section Insectes et Compagnie
Vase aux scarabées (1923), Suzanne Lalique-Haviland
Créé en 1923 par la fille du célèbre verrier René Lalique, ce somptueux vase est mon œuvre préférée de ce Cabinet de Curiosités ! Tant pis pour la création contemporaine… On ne se refait pas et vous connaissez (peut-être) ma passion pour l’Art déco. Couvert de scarabées, il s’intègre à merveille dans la section Insectes et Compagnie de l’expo temporaire du MusVerre. Tout en rappelant le rôle fondamental du verre pendant la période Art déco.
Holy Dung Beetle with Laurel Tree (2017), Jan Fabre
Je connaissais « son » plafond de la salle des Glaces du Palais royal de Bruxelles, recouvert d’1,4 million d’élytres de scarabées. Je connaissais aussi son scarabée en bronze doré. Voici un autre scarabée signé Jan Fabre, cette fois en pâte de verre et surmonté d’une branche de laurier.
Obsédé par les insectes, l’enfant terrible de l’art contemporain belge a ici collaboré avec le Studio Berengo de Murano, en Italie. Celui-ci a cédé la pièce au MusVerre pour un montant de 50 000 €.
Hooiwagens (2015), Nataliya Vladychko
Mention spéciale à Nataliya Vladychka, une artiste ukrainienne, qui vit et travaille entre sa patrie et les Pays-Bas. Mariant un corps en verre soufflé et des pattes provenant du mécanisme d’une machine à coudre, elle présente ici une série d’opiliones ou faucheux. Menaçants en diable, ces cousins des araignées n’ont pourtant, dans la vraie vie, pas de venin…
Dans la section Sous l’océan
Sans titre (2003), Hanneke Fokkelman
Avec le Vase aux scarabées, c’est mon œuvre préférée de ce Cabinet de Curiosité, au MusVerre. Trois magnifiques anémones de mer en verre soufflé, taillé et sablé, créées par la Néerlandaise Hanneke Fokkelman, qui vit et travaille dans le sud de la France. Pour un peu, on les sentirait palpiter… Elles s’inscrivent à merveille dans la section Sous l’océan, qui évoque une vie sous-marine rêvée.
Dans la section Minuscules
Fovea Centralis (2019), George William Bell
Né aux États-Unis mais installé au Danemark, George William Bell est un artiste fasciné par la science. On ne s’étonnera donc pas de trouver dans notre Cabinet de Curiosités du MusVerre une série de lamelles de microscope. Sur chacune, quelques gouttes, que chacun interprètera comme il veut. Un monde de l’infiniment petit, qui devient un ensemble de sculptures très fines et pleines de poésie.
Covid-20a (2021), Bernd Weinmayer
Vous pensiez en être (presque) débarrassés ? Eh bien non, le revoilà ! Ce Covid-20a, créé en plein confinement par l’artiste allemande Bernd Weinmayer, est prisonnier de sa cage de verre. Ce qui, pour Éléonore Perretti , directrice du MusVerre et co-commissaire de l’expo, est une « belle revanche après 11 mois de fermeture du musée, en raison de la pandémie ». Rempli de gaz néon activé par l’électricité, il clignote d’un rouge feu et illumine la section Minuscules de l’expo.
Dans la section À poils et à plumes
Demon d’après Giotto (2018), Marta Klonowska
Ah, la belle bestiole que voilà ! J’ai d’abord cru à un oiseau mais non, c’est un démon… Un diable inspiré de l’œuvre de Giotto, Saint François chassant les démons d’Arezzo, une fresque de la basilique Saint François à Assise. La Polonaise Marta Klonowska aime à s’inspirer de créatures ou d’animaux cachés dans des œuvres majeures, les revisitant à sa manière. Le verre, utilisé pour évoquer les poils en bataille de ce diable, est très ordinaire. Et pourtant, quel effet !
Therianthropy (2019), Koen Vanmechelen
Est-ce parce qu’il a d’abord été cuisinier que Koen Vanmechelen aime les faisans ? Il semblerait que non mais l’artiste belge est en tout cas un grand fan d’oiseaux, qu’il utilise dans ses œuvres, en prenant bien soin de sélectionner des animaux morts de leur belle mort… Ici, il a transformé un faisan royal empaillé, en ajoutant des parties de verre. Une double œuvre en quelque sorte…
Dans la section Memento Mori
Agapanthus (2021), Lilla Tabasso
Franchement, j’adore ce bouquet d’agapanthes de l’Italienne Lilla Tabasso, à la fois biologiste et designer. Non mais vous avez vu ce travail méticuleux, cette finesse, ces teintes déjà passées de fleurs presque fanées ! On jurerait qu’elles sont vraies et pourtant elles sont à 100% en verre… Une œuvre magistrale et un sujet éternel pour évoquer le long processus de la décrépitude.
Aftermath Victuals (2021), Elliot Walker
Depuis qu’il a gagné la seconde saison de l’émission Blown Away sur Netflix, c’est une vraie star, en plus d’être un verrier accompli ! Un temps en démonstration à l’Atelier du MusVerre, le Britannique Elliot Walker est reparti vers d’autres horizons. Mais pas sans laisser derrière lui Aftermath Victuals, une pièce réalisée spécialement pour le MusVerre, qui rejoindra les collections permanentes à l’issue de l’expo. Avec sa tête de mort, cette œuvre s’inscrit parfaitement dans la section Memento Mori (ou Souviens-toi que tu mourras). Son plus ? Un verre mêlé à une infime dose d’uranium, qui rend l’ensemble fluorescent sous la lumière UV. Comme un plaidoyer contre le nucléaire, à l’origine de catastrophes environnementales.
N’oublie pas que tu es immortel (2020), Antoine Brodin
Un crâne d’oiseau géant, perforé comme un moucharabieh. Des flacons ouverts ou fermés qui renfermeraient des essences rares. Des plumes et des œufs. C’est la façon dont le Français Antoine Brodin traite le thème Memento Mori, devenu ici N’oublie pas que tu es immortel. Vanité ou au contraire ode à la vie ?
MusVerre en son jardin
Mais revenons à présent au musée en général et à ses collections permanentes.
Et commençons par un mot sur la belle architecture du MusVerre. Depuis 2016, il est hébergé dans un élégant bâtiment flambant neuf, entièrement paré de pierre bleue du Hainaut.
Du coup, il se fond parfaitement dans la nature environnante et s’ouvre sur le bocage par de très grandes baies vitrées, qui laissent entrer la lumière à flots. Je n’ai jamais eu le temps d’en profiter mais sachez que le MusVerre a aussi son jardin, habité de sculptures de verre, où on peut flâner et pique-niquer.
C’est quoi ces bousillés ?
Haut-lieu de l’industrie verrière depuis des siècles, Sars-Poteries compte jusqu’à 800 salariés au moment de la création des Verreries Réunies en 1883. C’est cet âge d’or du verre (de 1801 à 1937) que raconte la première partie de l’expo permanente consacrée aux bousillés. Et aussi à Louis Mériaux, ancien curé du village, à l’origine de l’Atelier du Verre, qui mènera au MusVerre.
Ces bousillés étaient non pas des pièces ratées mais des pièces uniques, bien distinctes de la production industrielle, réalisées par les ouvriers sur leurs temps de pause, avec le matériel de la verrerie.
Des pièces pleines de créativité, destinées non pas à être vendues mais données ou échangées. Des objets utiles ou décoratifs, offerts souvent pour de grandes occasions, genre baptême, mariage, conscription…
Les ouvriers des verreries, issus de Sars-Poteries et de trois autres villages alentour, mettaient sur le toit de leur maison un épi de faitage, afin de se reconnaître entre eux. Aujourd’hui, l’Atelier du MusVerre a pris le relais, en soufflant chaque année une vingtaine d’épis de faitage, offerts à des habitants des quatre villages pour décorer leur toit et perpétuer la tradition.
L’art verrier, un art contemporain
À partir des années 1960, un vent nouveau souffle sur le verre, qui ne se cantonne plus seulement aux objets utilitaires. L’art verrier devient un art contemporain, les artistes ouvrent des ateliers individuels et laissent libre cours à leur créativité. C’est le cas du mouvement Studio Glass, né aux États-Unis, auquel on peut notamment rattacher deux œuvres que j’aime beaucoup, exposées au MusVerre. Celle, Sans titre (1984) du Néerlandais Willem Heesen.
Mais aussi celle intitulée Des Fleurs pour la liberté (1990) de Marvin Lipofsky, élève d’Harvey Littleton, le fondateur du Studio Glass américain.
En 1982, le premier Symposium international du verre contemporain a lieu à Sars-Poteries. Plus de 120 œuvres seront laissées par des artistes, dont certaines exposées aujourd’hui au MusVerre, comme Fragments contigus (1982) de Joel Philip Myers, que je trouve assez fascinante.
Au MusVerre, ma robe préférée…
Sars-Poteries continue d’être un lieu de création, notamment grâce aux résidences d’artistes, accueillies chaque année à l’Atelier du MusVerre. La création contemporaine y prend ses aises et certaines pièces réalisées sur place viennent enrichir les collections du musée. Comme c’est le cas de Chimères de Michèle Perozeni, qui dialogue admirablement avec la nature, de l’autre côté de la baie vitrée.
Dans la grande salle du MusVerre, entièrement ouverte sur la nature, il y a une kyrielle de petites merveilles… parmi lesquelles j’en ai choisi quelques unes.
Mais avant cela, je voudrais vous montrer ma pièce super fétiche, qui a rejoint une alcôve, après avoir été présentée, un temps, dans la salle principale. C’est Seated Dress Impression with Drapery (2007) de l’Américaine Karen Lamonte.
Une pure merveille que cette œuvre monumentale en pâte de verre ! Un premier moulage pour le corps du modèle, un second moulage pour les drapés, neuf mois de travail, trois mois de cuisson, un vrai chef d’œuvre quoi ! Soutenu par un financement participatif en plus.
Karen Lamonte est également l’auteur de ce rideau, que j’aime (presque) autant. Il est vrai que je suis une grande fan de la pâte de verre…
Le verre, seul dénominateur commun
Sinon, j’aime beaucoup aussi cette œuvre de Joan Crous, intitulée Cenae. Cette table en poudre de verre reproduit la fin d’un (vrai) repas à L’Auberge Fleurie de Sars-Poteries, avec divers reliefs et quignons de pain…
Dans une autre alcôve, on retrouve aussi la Polonaise Marta Klonowska, qui aime s’inspirer d’animaux cachés dans des œuvres majeures, les revisitant à sa manière. Ici, dans Philip IV chasseur (2003), le chien a pris toute la place, tandis que Philip IV n’est représenté que par ses bottes…
Dans le désordre le plus complet et sans plus d’explications, voici d’autres œuvres qui m’ont interpellée, amusée, intéressée ou fascinée. Juste pour leur beauté, leur créativité et les merveilleux effets que permet le verre…
Le MusVerre en pratique
76, rue du Général de Gaulle, 59216 Sars-Poteries
03 59 73 16 16
musverre.lenord.fr
Le MusVerre est ouvert tous les jours de 11h à 18 h, sauf le lundi, le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre
Exposition permanente et temporaire : plein tarif 6 €, gratuit pour les moins de 26 ans
Gratuit le 1er dimanche du mois
Visites guidées individuelles et démonstrations : compris dans le droit d’entrée ou 2 € pour les visiteurs bénéficiaires de la gratuité d’entrée.
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3 Commentaire(s)
Merci Anne, très beau reportage sur le MusVerre de Sars-Poteries village que j’aime, là ou je suis né un 1er février 1958…
Votre reportage m à donné envie de voir cette exposition exceptionnelle. Merci. J ai appris que les pattes des araignées Nataliya vladychka sont des baleines de parapluie..
Cette œuvre ukrainienne est bien préservée dans l avesnois…j ai beaucoup apprécié ce cabinet de curiosité. MERCI