Invitée par lille3000, j’ai participé au voyage de presse inaugural d’Eldorado, juste avant l’ouverture au public. Deux jours au pas de course, une douzaine de musées arpentés, des centaines d’œuvres découvertes, l’exercice n’a pas été de tout repos… Mais au final quelle vision panoramique et quel regard XXL sur la nouvelle saison culturelle de lille3000 ! Dans cette profusion d’expositions, chacun trouvera son Eldorado. Voici le mien, en 20 œuvres… Je ne vous dis pas que le choix a été facile, ce serait mentir. Mais voici 20 coups de cœur quand même, comme un fil d’Ariane pour trouver un chemin dans cette (touffue) jungle artistique…
Ces dix-sept offres de voyages « sea and sun » ne sont-elles pas le premier rêve d’Eldorado dans cette société qui a inventé le tourisme de masse ?
À l’Hospice d’Havré, Tourcoing
1. La Route des Plumes d’Or, Betsabeé Romero
C’est mon coup de cœur absolu, mon œuvre préférée parmi les dix expositions d’Eldorado vues dans la métropole lilloise. Parce qu’elle nous parle du Mexique, invité d’honneur de cette édition. Mais surtout, parce que Betsabeé Romero enchante véritablement la chapelle de l’Hospice d’Havré avec sa Route des Plumes d’Or !
De part et d’autre, des papiers découpés pour « accompagner la douleur des mères qui ont perdu un enfant dans la guerre contre les narcos ». Et au centre cette somptueuse série de coiffes de plumes décorées d’or, comme une « descente de l’autorité entre l’autel et une tête, n’importe laquelle ». C’est ancestral, onirique, élégant et terriblement beau !
Jusqu’au 26 juillet
2. À Vol d’Encre, Betsabeé Romero
Toujours à l’Hospice d’Havré, j’ai beaucoup aimé aussi À Vol d’Encre, une autre œuvre de Betsabeé Romero. De petits avions sortis d’un carton de jouets planent entre les vieilles pierres du magnifique cloître XVIIe/XVIIIe. Chacun transporte son colis de livres, comme autant de mots et de rêves à la place des bombes. Quelle jolie façon de prendre son envol !
Jusqu’au 26 juillet
Au Tri Postal, Lille
3. Infinity Mirror Room – Fireflies On The Water, Yayoi Kusama
C’est mon autre coup de cœur absolu ! L’Infinity Mirror Room de la grande artiste japonaise est une pièce recouverte de miroirs et remplie de milliers de LED multicolores, suspendus à différentes hauteurs. Il n’en faut pas plus pour créer l’illusion de l’infini et brouiller tous les repères du spectateur… J’ai aimé cet univers fascinant rempli de pierres précieuses, ce cosmos où la moindre photo devient selfie…
Eldorama, jusqu’au 1er septembre
4. Holiday Paintings, Jonathan Monk
C’est une œuvre conceptuelle comme je les aime, légère, teintée d’humour mais surtout pas vide de sens. Ces dix-sept offres de voyages « sea and sun » ne sont-elles pas le premier rêve d’Eldorado dans cette société qui a inventé le tourisme de masse ?
Chacune de ces toiles a été vendue au prix du voyage qu’elle propose. Comme un double pied de nez au marché de l’art et à l’industrie touristique formatée et low-cost…
Eldorama, jusqu’au 1er septembre
Au Palais des Beaux-Arts, Lille
5. Besoin d’air ?, Mathias Kiss
Placée dans l’Atrium du Palais des Beaux-Arts, cette installation atteint, et comment, son but : évoquer le ciel et l’espace et ouvrir le lieu vers l’extérieur et la lumière. Ciel et terre y jouent à cache-cache, ouvrant grand la porte au rêve et à tous les possibles. Plus grand, plus loin, n’est-ce pas cela l’Eldorado ?
Jusqu’au 6 janvier 2020
6. Le Ciel et l’enfer, simultanément, Mircea Cantor
À première vue, quel ruissellement d’or que cette installation du Roumain Mircea Cantor ! Pourtant, tout cet or n’est que celui, totalement fake, de pauvres couvertures de survie, cachant comme elles peuvent la fragilité et la misère du monde. De l’or pour habiller l’injustice de la société moderne, aussi violente que fut naguère la quête de l’Eldorado.
« Tout ce qui brille n’est pas de l’or », disait ma grand-mère. Comme elle avait raison !
Golden Room, jusqu’au 2 septembre
7. Strata XII, Olga de Amaral
Le dossier de presse affirme qu’elles « évoquent les artefacts en or précolombien et le fantasme historique de l’Eldorado ». Sans doute. Mais moi j’aime les œuvres textiles de la Colombienne Olga de Amaral pour leur unicité, leur scintillement et leur grande élégance. Elles dialoguent à merveille avec les voutes en brique et les collections d’art ancien tout autour. Tandis que la lumière des spots démultiplie leur aura à l’infini…
Golden Room, jusqu’au 2 septembre
8. Annonciation – Nativité
introduisant l’Évangile de Matthieu
Eldorado ne met pas à l’honneur que la création contemporaine. Parallèlement à l’expo Golden Room, la bibliothèque municipale et le Palais des Beaux-Arts présentent des Golden Books, ces manuscrits et feuillets enluminés du XIIe au XVIe siècle.
Très sensible à la délicatesse de ces enluminures, j’ai sélectionné cette Annonciation – Nativité, le plus ancien des ouvrages présentés… plus vieux que la cathédrale Notre-Dame de Paris ! Datant de 1153 environ, il est le seul manuscrit enluminé qui nous est parvenu de l’abbaye Saint-Calixte de Cysoing. Une pure merveille.
Golden Books : l’or des enluminures, jusqu’au 2 septembre
À la gare Saint-Sauveur, Lille
9. Echo-Natures, David Gumbs
Y a-t-il opposition entre la technologie et la nature ? Pas pour David Gumbs, artiste antillais spécialisé dans les nouveaux médias, qui se sert justement du numérique pour montrer la beauté de la faune et de la flore des Caraïbes. On entre dans un tunnel long de 10 mètres et, en marchant, on active la formation aléatoire de motifs vidéoprojetés mais aussi d’effets sonores évoquant la jungle. Comme dans la nature, on ne voit jamais deux fois la même chose dans ce tunnel fantasmagorique. J’ai aimé y perdre mes repères avec cette impression bizarre que le sol se dérobait sous mes pieds. Mais il faut souvent se méfier de ses impressions…
La Déesse verte, jusqu’au 3 novembre
Au musée de l’hospice Comtesse, Lille
10. Tlacolulokos/Oaxaca à Los Angeles
Culture de rue, fresques, graffitis et pochoirs, le tout sur fond de réflexion sociale, tel est l’univers du collectif Tlacolulokos. Dans l’exposition Oaxaca à Los Angeles, il propose d’immenses peintures mettant en scène des immigrés et leurs enfants, dans les quartiers défavorisés de LA.
Quel choc de les voir s’afficher sur les murs de la grande salle de Comtesse, juste sous les fenêtres en ogives ! Deux mondes que tout pourrait opposer si l’ornementation et le jaune doré de ces œuvres ne rappelaient la décoration de nos églises. Entrez à Comtesse et vous comprendrez l’effet « waouh » !
Jusqu’au 30 août
11. Les noix de coco, Frida Kahlo
C’est la seule œuvre de l’emblématique artiste mexicaine dans cet Eldorado. On ne va donc pas bouder notre plaisir… même s’il s’agit d’un petit format.
En cette année 1951, Frida Kahlo ne peut plus peindre que cela, alitée, opérée une dizaine de fois et amputée d’une jambe. Orange mutilée, noix de coco qui pleure, autant de symboles : ce petit tableau est aussi nostalgique qu’autobiographique.
Intenso/Mexicano, jusqu’au 30 août
Au musée d’histoire naturelle, Lille
12. Plat avec des poissons
Ici pas de métaphore ni de grande symbolique. On est dans la culture traditionnelle mexicaine avec des pièces issues des collections du Musée d’art populaire de Mexico. On voyage d’une frontière à l’autre et on se promène dans le Nord, le Centre et le Sud/Sud-Est du Mexique, grâce à des objets du quotidien. Ces régions présentent toutes les trois une riche biodiversité, source d’inspiration pour les artistes. Jaguar, serpent, faucon royal et aussi beaucoup de poissons, comme ceux sur ce joli plat en terre cuite.
Curiosidad, les collections du musée d’art populaire de Mexico, jusqu’au 13 juillet
À la Maison folie Wazemmes, Lille
13. Border Painting Ocre, GT Pellizzi et Ray Smith
GT Pellizzi est mexicain de naissance. Ray Smith est originaire du sud Texas, à deux pas de la frontière. Tous les deux vivent et travaillent dans les deux pays à la fois.
Ces œuvres murales (qui font partie d’une série), ils les ont réalisées avec de la terre et des végétaux, ramassés près du ranch de Ray Smith, à deux pas de la frontière, puis mélangés à de l’acrylique.
J’aime ces beaux ocres bruts et organiques, qui tranchent avec les pièces exposées tout autour. J’aime surtout ce symbole de la terre, simple et fort, pour explorer la notion de frontière physique. Celle qui enferme mais aussi celle qui magnifie ce qui est au-delà.
US – Mexico Border, jusqu’au 28 juillet
14. L’Eldorado en Sommeil,
Einar de la Torre et Jamex de la Torre
Voici le Mexique tel que je l’imagine. Coloré, baroque, débridé, extravagant. Dans cette œuvre protéiforme, créée spécialement pour la Maison folie de Wazemmes, les frères de la Torre, sculpteurs et verriers, ont imaginé un papier peint en vinyle ainsi qu’une série de sculptures en verre. Rien que des icônes de la culture mexicaine, entre personnages aztèques et objets liés au Jour des morts. À l’arrière, une barrière de barbelé empêche d’accéder au paradis convoité, entre vaisselle dorée et débauche de biens. Une autre représentation de l’Eldorado.
US – Mexico Border, jusqu’au 28 juillet
Au MUba Eugène Leroy, Tourcoing
15. Le Passeur, Claire Tabouret
C’est sans doute l’une des toiles qui s’inscrit le mieux dans le thème de l’Eldorado. Qui mieux que ces migrants, embarqués dans une traversée de nuit, incarnent cet espoir d’ailleurs, ce rêve d’une autre vie ? La Française Claire Tabouret, qui vit et travaille à Los Angeles, a réussi là une œuvre à la fois forte et silencieuse. Très peu de couleurs pour rendre le clair/obscur de ce moment suspendu et l’angoisse inscrite dans les regards.
Les Enfants du Paradis, jusqu’au 26 août
16. Léo le chasseur et Le Secrétaire de Dorey,
Jérémy Demester
Franchement, je ne sais pas où le Français Jérémy Demester va chercher les titres de ses toiles ! Ce que je sais en revanche, c’est qu’il s’inscrit joliment dans cette exposition Les Enfants du Paradis, qui se demande comment représenter l’ailleurs. J’ai laissé mon esprit vagabonder un bon moment devant Léo le chasseur et Le Secrétaire de Dorey. Et je me suis dit que dans ce monde saturé d’images, l’abstraction est décidément un nouvel horizon…
Les Enfants du Paradis, jusqu’au 26 août
17. Stranger Things II, Iris Van Dongen
Quel mystère que cette œuvre d’Iris Van Dongen, artiste hollandaise vivant à Berlin. Entre peinture et arts décoratifs, entre orientalisme et peinture chinoise, qui est cette jolie jeune femme ? Où va-t-elle ? Quel est son Eldorado ? Une rapide conversation secrète avec la belle ne m’a pas donné la clef. La scène m’est restée énigmatique. Tout juste ai-je compris, écoutant Jérôme Sans et Jean-Max Colard, commissaires de l’expo, que la peinture d’aujourd’hui s’affirme comme un lieu de jouissance intense et colorée. L’art lui-même devient alors Eldorado.
Les Enfants du Paradis, jusqu’au 26 août
À la Maison folie Le Colysée, Lambersart
18. Nahual, Julien Salaud
Pour Eldorado, Julien Salaud a paré le Colysée d’œuvres monumentales, aidé par de nombreux bénévoles. S’inspirant du travail des peuples amérindiens, ils ont réalisé une immense fresque en laine dans le hall d’accueil. Fil après fil, ils ont dessiné des motifs aztèques, mais pas que. J’adore le petit « Fuck Trump » caché dans un losange mauve, à gauche de l’œuvre. Minuscule clin d’œil politique dans une œuvre ethnologique très chatoyante.
Jungle & Sentiments, jusqu’au 18 août
19. Ceiba, Julien Salaud
L’autre œuvre de Jungle & Sentiments qui m’a bluffée est ce fromager, un arbre de vie géant et multicolore fabriqué avec les mêmes volontaires. J’aime sa dimension spirituelle dans les cultures aztèques puisqu’il symbolise le passage d’énergie entre les trois mondes, terrestre, céleste et souterrain. Mais j’aime aussi sa connexion avec le lieu où il est implanté, les magnifiques jardins du Colysée et les bords de Deûle. C’est un peu comme s’il dialoguait avec les arbres du dehors, dans une longue conversation muette mais magique.
Jungle & Sentiments, jusqu’au 18 août
À la gare Lille-Flandres, Lille
20. Museum Of The Moon, Luke Jerram
Là, je triche un peu car la gare Lille-Flandres ne propose pas d’expo, juste une Métamorphose. Mais dix lieux, c’est quand même mieux que neuf, non? Alors, faute d’avoir eu le temps de courir d’autres expos, je me suis accordé cette petite liberté.
Voici donc la merveilleuse installation du plasticien britannique Luke Jerram, Museum Of The Moon. Cette lune de 10 mètres de diamètre, qui surplombe les quais, présente des images détaillées de la surface lunaire de la NASA.
Mais au-delà de cet aspect scientifique, Museum Of The Moon plonge surtout la grouillante gare Lille-Flandres dans un bain de poésie. Sous sa douce lumière, le monde semble plus beau, plus apaisé et plus serein. Comme s’il tournait aussi rond que cette pleine lune…
Jusqu’au 1er décembre
Eldorado en pratique
C’Art Eldorado, valable 1 an à compter de la date d’achat, donne droit à un accès libre et illimité aux lieux et événements lille3000/Eldorado.
Tarif : 40 € en solo, 60 € en duo et 20 € pour les jeunes -26 ans.
En vente au Tripostal et sur www.lacart.fr
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J’ai été invitée par lille3000.
5 Commentaire(s)
Merci Anne. Ton article donne envie d’aller immédiatement visiter toutes ces expos!
Tu as un peu le temps puisqu’elles sont ouvertes jusqu’à la fin de l’été, voire jusqu’à la fin de l’année…
Merci pour ton article ! La salle Infinity Mirror Room donne très envie 🙂 Malheureusement, nous n’avons pas pu venir durant le voyage presse d’inauguration.
Nous avons entendu qu’il y aurait aussi des expositions et animations dans les jardins de la métropole lilloise. Est-ce que tu as des infos ? Sur certaines photo, ça avait l’air top !
Merci Les Ch’tis Trotteurs ! Oui, en effet, il y a ou il y aura des expos, installations ou événements dans toute une série de jardins, comme la base de loisirs des 6 Bonniers, les Prés du Hem, le parc du château de Robersart à Wambrechies, au Jardin des Géants à Lille, sur la Grand Place de Roubaix, au Jardin botanique de Tourcoing… Voyez sur le site internet d’Eldorado ou sinon auprès du service presse de lille3000. Bonnes découvertes !
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