Né et mort dans la ville balnéaire, James Ensor est le plus ostendais de tous les peintres !
Un amoureux de sa plage, qui n’a jamais pu s’éloigner très longtemps du magasin de souvenirs familial et de son capharnaüm. Autant dire que le Mu.ZEE d’Ostende est heureux de présenter, jusqu’au 16 juin, « Rêves de nacre ». Cette expo comprend vingt-six tableaux d’Ensor mais aussi toute une série de dessins, prêtés par le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA), actuellement en travaux. Il possède la plus importante collection Ensor au monde, autant dire qu’il y a matière à se régaler…
Quel art des nuances ! Quel talent pour capter l’ambiance de l’instant ! Ensor aimait par-dessus tout faire découvrir la beauté de la mer à ses amis bruxellois, comme si cette beauté était un peu la sienne.
Fou de sa ville et de la mer du Nord, fasciné par sa lumière, James Ensor est un artiste inclassable, en dehors des courants et des styles. Symboliste ? Déjà surréaliste ? On le présente comme le maître de l’art moderne belge. Mais lui n’a toujours cherché qu’à suivre sa propre voie. Ensor est avant tout un homme et un artiste complexe, pétri de contradictions.
Son œuvre est à son image, riche et protéiforme, tant il est vrai que l’Ostendais a exploré toute sa vie techniques, styles et genres. Son obsession ? L’originalité. Innover encore et toujours.
Du coup, son travail est extraordinairement varié, dans les techniques mais aussi dans les thèmes.
Pas d’ordre chronologique pour ces « Rêves de nacre », juste le plaisir de passer d’une œuvre à l’autre, à l’intérieur de quelques grands thèmes. Et une belle occasion de découvrir paysages, scènes fantastiques, natures mortes et « femmes en intérieur ».
Chute des anges rebelles (1889)
Adam et Eve chassés du paradis terrestre (1887)
Paysages
Commençons par ma facette préférée d’Ensor, bien représentée dans ces « Rêves de nacre », à savoir ses paysages. J’aime beaucoup « Les toits d’Ostende » (1884), que le peintre a observés depuis son atelier… Instant suspendu pour admirer la beauté d’un ciel. Émotion née de la maîtrise de la lumière.
Et que dire de cette « Marine grise » (1880), que j’aime aussi énormément ? Marine grise mais qui cache une douce couleur nacrée au creux de son ciel. Quel art des nuances ! Quel talent pour capter l’ambiance de l’instant ! Ensor aimait par-dessus tout faire découvrir la beauté de la mer à ses amis bruxellois, comme si cette beauté était un peu la sienne.
Et ce « Nuage blanc » (1884) ? N’a-t-il pas, lui aussi, la teinte nacrée d’un coquillage ? Perso, j’y vois un petit côté impressionniste, même si le peintre refusait avec force tout lien avec ce mouvement.
Personnages fantasques
Tous ces tableaux merveilleux ont été peints à une époque où Ensor ne vend pourtant rien. Manquant de reconnaissance et très déprimé, il s’estime être un peintre fini.… D’où « Le squelette peintre » réalisé en 1896. Regardez bien les pinceaux, dirigés vers lui, un peu comme un revolver. C’est déstabilisant, provocant, déjà surréaliste.
Il jette sur ses toiles squelettes, personnages fantasques et figures macabres, deuxième grand thème de l’expo « Rêves de nacre ». Mais aussi des masques, qu’il utilise pour mieux démasquer les bourgeois conservateurs qui l’entourent. Ce qui ne l’empêche pas, pourtant, de se faire anoblir. Et même de changer de nationalité pour cela puisque, anglais jusqu’à ses 69 ans (comme son père), Ensor deviendra belge… pour pouvoir être fait baron. Pétri de contradictions, je vous disais…
« L’étonnement du masque Wouse » (1889) s’inscrit dans cette série.
Fantastiques, grotesques et grimaçants aussi ces « Squelettes se disputant un pendu » (1891).
Femmes chez elles
Ensor ne vend rien et, de rage, transforme son « Après-midi à Ostende » en paillasson. Juste bon à s’essuyer les pieds dessus, enrage-t-il ! Il faudra attendre 1900 pour qu’il commence à vendre.
De la même façon, « Le salon bourgeois » (1881) qui met en scène la tante et la mère du peintre, est typique de ces œuvres représentant des bourgeoises dans leur cadre de vie intime. Un quotidien paisible et sans surprise qui personnellement m’angoisse. Comme une prison, dorée mais cadenassée à double tour.
Natures mortes
C’est un peu le même genre d’ambiance bourgeoise et provinciale, qui règne dans la célèbre « Mangeuse d’huîtres » (1882), une œuvre majeure flirtant avec la nature morte. Ensor y démontre un beau talent de coloriste… Mais aussi une capacité à donner vie aux choses du quotidien.
Encore des huîtres mais cette fois dans une véritable nature morte, appelée tout simplement « Nature morte aux huîtres » (1882).
Et cette « Musique dans la rue de Flandre » (1891) qu’a-t-elle de commun avec toutes les œuvres précédentes ? Pas grand-chose et c’est bien ce qui caractérise Ensor. Son éclectisme…
Rêves de nacre en pratique
Expo ouverte jusqu’au 1er mars 2020.
MuZEE, Romestraat 11, Ostende.
Tél. 00 32 59 50 81 18.
Ouvert du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h.
Entrée de l’expo : 9/7,50 € et 1 € pour les moins de 26 ans, gratuit pour les moins de 12 ans.
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