Je vous ai déjà dit tout le bien que je pensais du musée de la Piscine agrandi, qui a rouvert ses portes fin octobre. Mais je ne vous ai pas encore parlé des différentes expos liées à cette réouverture et notamment de celle d’Hervé Di Rosa, intitulée « L’œuvre au monde ». Ah quel bonhomme ce Di Rosa ! Inlassablement en mouvement, autour de la planète comme devant ses tableaux… Rencontre avec un artiste hors des clous, un globe-trotter inspiré, un nomade affamé de rencontres… Un vagabond parfaitement à sa place à Roubaix, ville-monde de plus de soixante-dix nationalités…
Oui, je sais, Hervé Di Rosa ne veut pas donner dans l’exotisme, celui des brochures colorées. N’empêche, j’aime aussi son univers parce que j’aime les voyages.
Je suis comme cela. Je sais immédiatement si j’ai le feeling avec quelqu’un… ou pas. Et quand j’ai vu Hervé Di Rosa, à l’occasion de la réouverture de la Piscine, j’ai d’emblée trouvé le bonhomme sympa, ouvert et bourré d’énergie. Il ne tient pas en place deux secondes et il a fallu lui demander d’arrêter de mouliner avec ses bras, le temps de faire deux ou trois photos pas trop floues.Du coup, il a mis les mains dans ses poches…
Ce que j’ai senti aussi tout de suite chez Di Rosa, c’est le côté libre et inclassable du bonhomme. L’art conceptuel et intellectuel, très peu pour lui. Il préfère le figuratif et l’accessible et c’est très bien comme ça. Les grands discours pompeux sur l’art, très peu pour lui. Les courbettes dans les vernissages, très peu pour lui. Le Sétois est simple, direct et nature. Il cultive l’humilité comme une jolie vertu et fait tout pour éviter le détestable « moi je, moi je ».
Au fil de ses œuvres, on observe sa vision géopolitique teintée d’humour. Comme dans L’ïle écorchée, ci-dessus, ou dans Mister Africa, ci-dessous.
On devine aussi son côté joueur et ce pied qu’il veut coûte que coûte garder dans l’enfance. Comme dans Ecoute ton corps, il est vivant ou dans Anatomie, où il fait de divers organes une rigolote sculpture.
On découvre également sa vision de notre société, au bord de la crise de nerfs, voire pire. Comme dans Terramoto, où un monde en plein chaos est carrément entrain de s’écrouler.
Pourtant, en arrière-plan, on sent une bienveillance jamais démentie, un amour des autres et de la vie. Comme dans le paisible Déjeuner à Kumasi.
Hervé Di Rosa est tout cela. Simple, ouvert, bienveillant, généreux. Mais il a aussi un vrai goût des voyages. Venu peut-être de ces bateaux qu’il voit partir sans lui, pendant son enfance à Sète. Alors, au début des années 90, il entame une aventure autour du monde. Pour aller à la rencontre de l’autre. Pour échanger. Et pour construire une œuvre originale, qui mélange joyeusement toutes les formes d’art, sans aucune hiérarchie. C’est-à-dire en mariant Beaux-Arts, BD (comme ci-dessous dans Rue Gérando), affiche, art brut, graffiti et j’en passe.
Il parcourt le monde de La Havane à Séville, de Tel Aviv à Mexico, de Tunis à Sofia, de Porto-Novo à Lisbonne ou à Addis-Abeba. Et partout, il travaille avec d’excellents artisans locaux (rémunérés, pour que la relation soit honnête), avec qui il échange savoir et savoir-faire.
Il découvre des techniques anciennes, qui ont parfois tendance à disparaître. Il s’efforce de les maîtriser et de les intégrer dans son propre travail. Comme cette peinture à l’œuf et à la feuille d’or sur bois apprise en Bulgarie, ici dans Terreur sur la Ville.
Depuis 1993, il a ainsi parcouru dix-neuf étapes, en sautant scrupuleusement la treizième, sait-on jamais… Sa dernière étape en date était Lisbonne, au Portugal, où il a travaillé avec des céramistes de l’entreprise Viùva Lamego, qui lui ont enseigné l’art de l’azulejos. Collaboration très riche, si on en juge par les créations présentées en avant-première à La Piscine de Roubaix.
S’il mélange les formes d’art, il s’amuse aussi avec les matériaux. Toile, peinture, broderies, pierres, bronze, or, terre, coquillages, peaux tannées, verre, papier, argent, perles et même câbles téléphoniques. Mais aussi galets et bois, comme pour ces Têtes commencées en Corse avec ses gosses, comme un petit jeu.
On le voit bien dans ses créations : Hervé Di Rosa voyage comme un compagnon du devoir, qui s’est approprié avec brio diverses techniques, comme un supplément d’âme à ses œuvres.
Alors oui, je sais, Hervé Di Rosa ne veut pas donner dans l’exotisme, celui des brochures colorées. N’empêche, j’aime aussi son univers parce que j’aime les voyages. Au fil des allées, j’ai retrouvé un peu d’Afrique, un peu de Cuba ou beaucoup d’Espagne, avec toutes ces vierges imaginées à Séville. Et ça fait du bien, ici et en ce moment.
Alors, fini le voyage autour du monde ? Non, bien sûr. Hervé Di Rosa rêve à présent de Colombie et de Tchéquie. Pour d’autres œuvres originales à voir lors de ses prochaines expos.
L’exposition Di Rosa en pratique
La Piscine, musée d’art et d’industrie André Diligent, 23 rue de l’Espérance, Roubaix.
03 20 69 23 60
Ouvert du mardi au jeudi, de 11 h à 18 h.
Le vendredi, de 11 h à 20 h.
Les samedi et dimanche, de 13 h à 18 h.
Tarif : 11 € et 9 € réduit.
Chaque vendredi, de 18 h à 20 h, accès gratuit aux expositions et aux collections permanentes.
Chaque vendredi, le musée est en accès libre pour tous les étudiants.
Accès notamment en métro, ligne 2, arrêt Gare Jean Lebas ou Grand Place.
Sur place, restaurant Meert, dans le superbe cadre Art Déco. Pour déjeuner ou pour prendre le café, avec une gaufre bien sûr…
Les autres expositions de la réouverture de La Piscine :
« L’Homme au mouton », Pablo Picasso
« Portrait d’un héros », Alberto Giacometti
« Les Tableaux fantômes de Bailleul »
« Nage libre pour les céramistes belges du WCC-BF de Mons ».
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