J’adore la côte belge, son ailleurs si proche, ses digues sans voitures, ses cuistax qui zigzaguent et ses croquettes de crevettes. Si je vous ai déjà bien parlé de tout ça, j’ai une autre petite passion, encore jamais évoquée ici : c’est le musée Paul Delvaux, à Sint-Idesbald. L’ année 2022 ayant été marquée à la fois par le 125ème anniversaire de la naissance de l’artiste et les 40 ans du musée, une exposition rétrospective « De l’aube claire jusqu’à la fin du jour » est visible jusqu’à la fin de 2023. C’est donc le moment idéal de courir à Sint-Idesbald…
Avant d’atteindre sa maturité artistique, le peintre belge est passé par bien des périodes, des styles, des inspirations… C’est tout ce processus qu’on découvre au fil de l’exposition rétrospective proposée au musée Paul Delvaux.
1. Parce que Paul Delvaux se sentait comme chez lui, ici
Il n’a jamais ni vécu ni travaillé au Het Vlierhof, l’ancienne maison de pêcheur devenue musée.
C’est dans les dunes de Sint-Idesbald, les « Nordduinen », que l’artiste avait construit sa maison-atelier. Avant d’acheter une maison dans le parc de Furnes, commune où il est d’ailleurs enterré. N’empêche, dès l’ouverture du musée Paul Delvaux, en 1982, l’artiste aimait cet endroit qu’il évoquait comme « le soleil de ses vieux jours ». Il s’y rendait souvent, observant les visiteurs, allant à leur rencontre et échangeant avec eux…
Est-ce la grande photo qui trône près de l’entrée du musée Paul Delvaux qui m’a fait cet effet ? J’ignore, mais en tout cas j’ai ressenti que l’âme de l’artiste n’était pas très loin…
2. Parce que le musée Paul Delvaux possède la collection la plus complète au monde
L’artiste n’ayant pas eu d’enfants, c’est à la Fondation Paul Delvaux que le peintre a légué une bonne partie de son patrimoine. À charge pour la Fondation de rendre sa collection accessible au public.
Peintures, aquarelles, dessins, estampes, gravures, objets personnels… Le musée, déjà agrandi à deux reprises, présente sur plus de 1000 m2 les œuvres de l’artiste belge, parmi les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle.
3. Pour l’exposition rétrospective « De l’aube claire jusqu’à la fin du jour », ouverte jusqu’à fin 2023
À ces collections d’origine du musée Paul Delvaux, l’exposition « De l’aube claire jusqu’à la fin du jour » ajoute 400 pièces de plus, provenant d’une collection privée. C’est un couple de passionnés qui, des années durant, a rassemblé des œuvres moins prestigieuses et plus anciennes. Une collection atypique, axée sur la première partie de la carrière de Paul Delvaux, son « aube claire » en quelque sorte.
4. Parce que l’expo montre les styles et inspirations de Paul Delvaux
Avant d’atteindre sa maturité artistique, le peintre belge est passé par bien des périodes, des styles, des inspirations… C’est tout ce processus qu’on découvre au fil de l’exposition rétrospective proposée au musée Paul Delvaux.
Au départ, l’artiste s’inspire de l’Impressionnisme, comme dans cette œuvre intitulée « Allée dans la forêt ».
Ce qui ne l’empêche pas, dans les mêmes années, de regarder aussi du côté du Naturalisme.
Après sa rencontre avec Modigliani, il s’inspire des visages sans expression de l’artiste italien, comme ici dans « Composition avec soldats et personnages ».
Du flamand Constant Permeke, il adopte les silhouettes massives, notamment dans « Jeune femme nue ».
Et quand Paul Delvaux donne dans l’Expressionnisme, c’est influencé par l’Ostendais James Ensor. Notamment dans « Les Noces à Antheit », où il met en scène son mariage rêvé avec TAM (pour Ton Anne-Marie), son amour de jeunesse, qu’il finira par épouser en 1952. Les visages sont fermés, figés, ressemblant presque aux masques du baron Ensor.
Sa découverte, avec Magritte, d’une exposition de Giorgio de Chirico, peintre métaphysique, donnera « Le Paravent ».
Quant au « Récitant », qui veut prouver que « ce qu’on voit et ce qu’on pense peut se mélanger », il est représentatif de ce Surréalisme auquel Delvaux s’est également essayé.
5. Parce qu’on y découvre sa passion pour les trains
Si je ne devais retenir qu’une seule chose de l’univers de Paul Delvaux, ce serait ça. Cette passion dingue pour les trains, qui l’a toujours habité.
Lui est-elle venue au temps de l’enfance, où le chemin de fer lui permettait d’aller sur la côte belge avec ses parents ? Le train, comme le tram, étaient-ils synonymes de vacances à Ostende ? Ou étaient-ils juste un moyen de rêver et de s’enfuir ?
Gares et trains sont en tout cas omniprésents dans son univers intime, dans cet ailleurs à la fois familier et plein de mystère.
J’adore l’ambiance de ce « Rendez-vous d’Éphèse ». Ou cet intriguant « Cortège ».
Même dans son « Hommage à Jules Verne », Paul Delvaux a réussi à glisser le toit d’une gare… C’est dire !
Jusqu’à la fin de sa vie, Paul Delvaux conservera la même passion pour les trains. Ce qui lui vaudra d’être nommé chef de gare d’honneur de la gare d’Ottignies – Louvain-la-Neuve. Il a alors 82 ans…
6. Parce qu’on y découvre ses autres thèmes de prédilection
Autre thème favori de Paul Delvaux : les femmes mais pas n’importe lesquelles. Des femmes souvent dévêtues, endormies ou allongées, le regard clos, vide ou absent.
Je ne suis en aucune façon une spécialiste de Paul Delvaux et mes (quelques) lectures ajoutées à une intéressante visite guidée ne me permettent pas de disserter sur le thème « Delvaux et les femmes ». Je sais seulement qu’il a divorcé de Suzanne, sa première femme, pour épouser Tam, revue par hasard à Sint-Idesbald. Et pour le reste ? Quel était son rapport avec les femmes ? Pourquoi toutes ces femmes dévêtues, à la fois impudiques et parfaitement à leur place ?
Solitude ? Soumission ? Femmes-objets ? Ou plutôt femmes merveilleuses, célébrées par le peintre et éclairant la toile de leur lumière ?
L’artiste détestait, paraît-il, expliquer ses œuvres. Tant mieux, chacun a ainsi la liberté d’y projeter son propre monde intérieur…
Trains et personnages féminins au regard vide ne sont pas les seuls thèmes récurrents de l’œuvre de Paul Delvaux. L’artiste belge aime aussi représenter temples gréco-romains et monuments néoclassiques. Inspiré sans doute par ses humanités gréco-latines, ses cours d’architecture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et un mémorable voyage en Grèce.
Quatrième et dernier thème de prédilection de Paul Delvaux ? Les squelettes, le même genre que ceux rencontrés dans l’œuvre d’Ensor. Des squelettes mais pas des symboles de mort. Plutôt des squelettes bien vivants et très expressifs !
7. Pour prolonger la visite à la brasserie Paul Delvaux
Paul Delvaux lui-même venait y faire une petite halte gourmande, avec son épouse Tam, après une visite au musée. Si les années ont passé, la petite brasserie/salon de thé est toujours là. Indépendante du musée mais tellement charmante, avec sa salle lumineuse et sa terrasse, posée dans un écrin de verdure.
J’y ai déjeuné avec mon compère du jour et je peux vous dire que les plats belges proposés sont très honnêtes et servis avec le sourire en prime.
Une bonne petite adresse, qui évite, après la visite, de chercher une table à Sint-Idesbald ou Coxyde.
Le musée Delvaux en pratique
Paul Delvauxlaan 42, 8670 Sint Idesbald-Coxyde, Belgique
00 32 58 52 12 29
Voir les jours d’ouverture/fermeture sur www.delvauxmuseum.be
Ouvert de 10 h 30 à 17 h 30
L’exposition « De l’aube claire jusqu’à la fin du jour » est ouverte jusqu’au 31 décembre 2023.
Entrée adultes 10 €, +65 ans 8 €, étudiant 7 €, billet famille ( 2 + 2) 30 €, gratuit – 6 ans
Accessible avec le tram de la côte, arrêt Sint-Idesbald.
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