Niki de Saint Phalle, tout le monde connaît. Ses emblématiques Nanas joyeuses, colorées et décomplexées sont la meilleure carte de visite, la plus populaire en tout cas, de cette artiste incontournable du XXème siècle. Mais ces drôles de dames ne sont qu’une (petite) partie de son œuvre protéiforme. L’exposition « Ici tout est possible », proposée à Mons (B) à l’occasion de la première Biennale post Capitale européenne de la Culture, le prouve de manière flamboyante ! Je vois au moins dix raisons pour que vous y couriez sans attendre. Mais sûr que vous en trouverez d’autres…
Niki s’est battue toute sa vie pour cela. Pour donner plus d’espace aux femmes. Pour devenir l’égale des hommes. Pour pousser les murs. Pour sortir de cette condition désespérée de femme mariée, loin d’une rassurante douceur.
1. Pour admirer les œuvres installées dans l’espace public
Toute sa vie, Niki de Saint Phalle a eu une obsession. Sortir l’art des musées, le faire descendre dans la rue et les lieux de vie et permettre ainsi au grand public de s’y frotter.
Toute sa vie, elle a donc créé des sculptures monumentales, des fontaines et même des aires de jeux pour enfants, afin que l’art soit « pour tout un chacun ».
Normal donc que l’expo montoise, première grande rétrospective en Belgique, présente quelques projets monumentaux. Comme ces Totems érigés dans le parc du Beffroi, comme échappés du Queen Qualifia’s Magical Circle. Ce parc de sculptures, situé à Escondido en Californie, a été le dernier projet monumental de l’artiste avant sa mort, en 2002.
©Cat Head Totem 2000
Au jardin du Mayeur, à quelques pas de là, Les Trois Grâces, de plantureuses Nanas, s’ébattent joyeusement et dansent sur la pelouse, mettant en valeur le superbe patrimoine architectural de Mons.
Enfin, dans le jardin du BAM, voici la Fontaine aux Nanas (fond bleu). Une autre sculpture monumentale dans l’espace public. Et une vraie fontaine en plus !
2. Pour entrer dans la Nana Maison II
Encore une œuvre monumentale, posée dans le jardin du BAM. Mais cette fois c’est la Nana Maison II, entendez par là qu’on peut y entrer par la porte arrière, s’y glisser, y pénétrer, s’y introduire… choisissez le verbe que vous préférez !
À l’intérieur, c’est tout bleu et je me suis posée quelques instants sur le petit banc qui court le long de l’œuvre. Comme l’impression de retourner dans le ventre de sa mère.
3. Pour découvrir les premières œuvres de Niki
À partir du jour où elle s’est mise à peindre, après une dépression nerveuse, Niki de Saint Phalle a raconté sa vie dans son œuvre, sorte de voyage personnel au fil des ans et des événements.
On connaît peu ses premières peintures, de style plutôt naïf, qui racontent la vie d’épouse et de mère qu’elle menait à l’époque. Perso, je les aime beaucoup, notamment cet Autoportrait coloré.
Couleurs tendres et harmonieuses aussi pour ce Portrait de famille. Même si le couple, hyper figé, n’a pas vraiment l’air de s’amuser. Un signe sans doute…
4. Pour suivre, de manière chronologique, ses périodes artistiques successives
On suit donc, pas à pas, l’évolution de la jolie Niki, mannequin dans sa jeunesse. Après un début de vie plutôt conventionnel, entre mariage et maternités, c’est la rébellion ! Contre son éducation de fille de grand banquier, contre la prison de sa vie de famille. Ses œuvres, devenues des assemblages, se font plus violentes mais aussi plus abstraites et sculpturales, avec l’utilisation d’objets de tous les jours mais aussi de jouets…
On aime ou on n’aime pas Le Hachoir.
Ou Bon Rétablissement (Valentine), qui perso me met très mal à l’aise… Sans doute à cause du cadavre de nounours.
5. Pour découvrir les fameux Tirs qui décoiffent
Empreintes de violence, nouvelle manière de dire sa colère, voici les peintures Tirs, expérimentées au début des années 60. Pour les réaliser, l’artiste incorpore des poches remplies de peinture mais aussi de nourriture dans d’épaisses couches de plâtre. Et un tireur (qui est souvent l’acheteur, ouf !) les fait éclater à la carabine, faisant ainsi couler le contenu sur la toile. Comme un dégoulinant défi…
©Tir première séance – deuxième séance Shooting Session 1961
©Cathédrale (tué à la cavatine) 1962
On aime… ou pas. Mais les Tirs apportent une vraie notoriété à Niki de Saint Phalle, qui profite de ces séances de tir pour expérimenter un contact direct avec le public.
Tout en exprimant son rejet de la société patriarcale, de la politique ou de l’Église. Il est vrai que la jeune Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle (son vrai nom !) a passé une partie de son enfance dans un couvent de New York… Audace et provocation.
©Autel noir et blanc 1962
6. Pour s’essayer au tir et devenir une artiste… virtuelle
Bon d’accord, tout cela est virtuel. N’empêche que c’est assez ludique ! En marge de l’expo, voici Shooting, un projet interactif créé par Hovertone et soutenu par Museum Lab, qui permet aux visiteurs de participer à une séance de tir et de créer leur propre œuvre virtuelle très éphémère.
On saisit la carabine en bois, on charge et on tire. J’ai tenté l’expérience, histoire de me prendre, une minute ou deux, pour une artiste. Bof…
7. Pour comprendre le féminisme de Niki de Saint Phalle
C’est sans doute pour cela que je l’apprécie surtout. Son féminisme. Car, eh oui, j’ai aussi mon petit côté féministe et mon intime conviction que les femmes méritent (souvent) mieux que la place qui leur est faite dans la société.
Niki s’est battue toute sa vie pour cela. Pour donner plus d’espace aux femmes. Pour devenir l’égale des hommes. Pour pousser les murs. Pour sortir de cette condition désespérée de femme mariée, loin d’une rassurante douceur.
©The Bride 1965
Pour ne laisser personne choisir à sa place son chemin. Et pour devenir une femme indépendante et libre de créer… quitte à laisser ses deux enfants au mari dont elle vient de se séparer.
8. Pour faire plus ample connaissance avec les Nanas
Certes, c’est la facette la plus connue du travail de Niki de Saint Phalle. N’empêche j’en ai découvert des œuvres et des choses grâce à cette expo. Apparues en 1964, ces créatures voluptueuses et décomplexées célèbrent la vie. C’est un peu l’autre face de Niki la sombre, la tourmentée et la guerrière. L’inverse de la Niki du Hachoir.
©Nana Boule vers 1966-1968
J’adore les Nanas pour leurs couleurs vives, leurs formes généreuses (dehors la grossophobie !), leur bonheur d’habiter leur corps. La joie qu’elles transmettent. Leur liberté d’être, tout simplement…
©Femme 1970
9. Pour imaginer le Jardin des tarots
Elle y pensait depuis une visite au parc Güell à Barcelone, en 1955, mais ne pourra commencer sa réalisation qu’en 1979, en Toscane. Le Jardin des tarots, ensemble monumental autour des arcanes du tarot, sera l’une des grandes entreprises de sa vie et la preuve que « Ici, tout est possible ». Parce que Niki de Saint Phalle aime les sculptures monumentales. Mais surtout parce qu’elle est fascinée par le tarot et la connaissance de soi qu’il permet.
Et voilà le principal point commun que j’ai avec cette artiste ! J’ai moi aussi une fascination pour le tarot de Marseille, dont j’apprends petit à petit les secrets. J’ai donc été particulièrement intéressée par les différents modèles des éléments du Jardin, présentés à la fin de l’expo.
Des esquisses préparatoires, comme celle de l’arcane XVI, la Maison Dieu.
Mais aussi de petites sculptures, comme la Tempérance ou la Mort. C’est la première fois que je vois la Mort à cheval mais après tout, pourquoi pas…
10. Pour entrer au BAM, tout simplement
Quel magnifique musée que ce Beaux-Arts Mons ! C’est la première fois que j’y entrais (oui, oui, j’ai honte…) et j’ai été subjuguée par sa luminosité, son dépouillement et la merveilleuse vue qu’il offre sur les jardins et sur le patrimoine alentour.
Rien d’impressionnant ici. Juste un musée résolument contemporain, pensé pour que les visiteurs s’y sentent bien et aient envie de s’éterniser un peu…
Niki de Saint Phalle, Ici tout est possible, en pratique
Expo visible jusqu’au 13 janvier 2019. Commissaire : Kyla McDonald
Ouvert du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h (jusqu’à 17 h les 24 et 31 décembre).
Au BAM (Beaux-Arts Mons), rue Neuve 8, Mons, Belgique.
00 32 65 40 53 30
Entrée 9 € adultes, 6/3/2 € réduit.
Gratuit le 1er dimanche du mois (les 7 octobre, 4 novembre, 2 décembre et 6 janvier, de 10 h/18 h).
Billets en vente au BAM mais aussi sur
ou www.fnac.be
Des médiateurs sont présents pour accueillir les visiteurs et leur apporter des explications, tous les week-ends de 14 h 30 à 17 h 30.
Des visites guidées pour individuels sont proposées les 21 octobre, 18 novembre et 16 décembre, de 15 h à 16 h 30. 2 € en plus du billet d’entrée. Sur réservation au 00 32 65 40 53 25.
Il est facile de se rendre en train à Mons au départ de Lille (notamment). La gare est à environ 15 minutes à pied du BAM et 10 minutes du beffroi.
Prix du billet Lille-Mons : 17,60 €. Durée du trajet : 1 heure et 6 minutes pour les trains directs.
Sur www.sncb.be
J’ai été invitée par Wallonie Belgique Tourisme.
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